Moi je suis différent. Je l’ai toujours été. Pour ma mère, c’est comme si j’étais un extra-terrestre. Pour mon père j’étais semblable à une vivante énigme, plus difficile à déchiffrer que les codes innombrables dans l’Hypnerotomachie de Poliphile. Ces perceptions de mes parents ont impitoyablement torturé mon cerveau pour une simple raison évidente que c’est d’eux que je devrais trouver les réponses et non l’inverse. Devrais-je écrire ma vie sur une feuille de papier pour qu’ils puissent me comprendre? Qu’en est-il de ceux qui, pour eux je ne suis qu’une simple bête, sur laquelle ils peuvent placer leur bête avec l’assurance de gagner ?
Je n’ai pas choisi de l’être portant j’en suis fier. Vouloir savoir la cause qui est derrière toute action ne m’a pas rendu rebelle. Cependant, une chose est sûre, je ne serai jamais policier, je pose trop de questions. Bizarre non ? Certains me l’ont chuchoté dans mes oreilles que je ferais un bon interrogateur pour la seule raison que j’avais plus de questions que le monde avait de réponses. D’autres ont confondu ma différence pour l’indifférence. Comment pouvaient-ils posséder une telle perception égarée alors que je faisais carrément l’inverse ? Encore une question sans réponse !
J’en avais ras le bol. Ma passion intrinsèque à la recherche des réponses a fait involontairement de moi un matelot solitaire sur un navire sur le point de chavirer. J’étais à court de temps et j’avais besoin de sauver ma peau. C’est bien évident que si vous lisez ceci, c’est que je m’en suis sorti non ? Or peut-être c’est ma muse qui déambulait dans la rue, pour un oui, pour un non, puis elle a repéré un écrivain libre et a décidé de tout mettre à la lumière ce qui s’est advenu de moi avant de finalement se reposer en paix éternel.
– Bah te voilà, ça fait un moment frérot ! ça va ?
– Ah bon ?
– Bien oui, ces jours on ne te voit guerre !
– C’est vrai ?
– Evidemment. Tu n’assistes plus à nos matches de foot ! Parfois nous nous demandons si ta mère t’a imposé l’assignation à domicile.
– Tu es sûr ?
– Pardieu bamboula t’es bizarre ! Tu ne poses que des questions !
Comme je vous l’ai expliqué tout à l’heure ce n’est pas de mon gré que je suis comme je suis. Les gens ne me comprennent point. Comme Shakespeare, la société n’est pas à l’aise avec celui qui n’est pas sociable. Il faudrait alors s’accoutumer à moi car je fais fièrement partie de la société et j’y suis pour rester. Attend ! A quel point suffit-il de conclure qu’on est sociable ou pas ? Ça veut dire quoi être sociable d’après vous ? Votre définition de sociable est-elle pareille à la mienne ? En plus, qui a conclu que la définition universelle fut la vraie définition ? Encore des questions ! Pauvre lecteur !
Suis-je maudit pour être diffèrent ? Suis-je damné de ne pas avoir les mêmes opinions que les autres ? Dois-je me consoler avec la raison que les autres sont tous les mêmes donc je perçois le monde d’une autre dimension ? Ô cher lecteur, je vous supplie de me libérer de ce monstre redoutable qui pose des questions ! Que ferais-tu si tu étais à ma place ? Feras-tu le même choix que le mien ? Marcheras-tu sur cette même voie que la mienne d’être différent et d’en être fier ? Si donc j’en suis fier pourquoi je vous prie de me libérer ? Est-il vrai que l’excès en tout est un défaut ? Ai-je déjà posé beaucoup de questions ?
Chers mère et père, ne m’en voulez pas mais j’aimerais savoir. Les faits nous montrent qu’un enfant hérite des traits soit de sa mère soit de son père. C’est pour cela que je vous ai dit de ne pas me poser des questions au contraire il fallait les répondre. Si je suis comme un extraterrestre vous savez déjà ce que j’insinue.
-Mais où tu as pris ces mots toi ? Tu vas manger ou tu vas nous poser des questions ton père et moi?
-Mais maman…(elle me coupe la parole)
-Ca suffit avec les questions fiston. Tu comprends ?
– Pourquoi ne pas rester sans poser des milliers de questions comme ton frère ?
Comme vous l’aviez envisagé avant la question de mon père, je pensais finalement avoir ma réponse longuement recherchée mais elle reste introuvable.
Pourquoi les gens ne veulent pas rester près de moi ? Je pue des questions. Au moins ça je le sais. Oui, c’est vrai ! voulez-vous connaître l’odeur des questions ? Voulez-vous savoir pourquoi je les pose ? Oui ? Alors je vous rejoins également pour chercher ces réponses car moi non plus je ne les connais pas !
Certains m’ont dit que je voulais créer un monde utopique au sein d’un monde dystopique. Que je ne pouvais pas trouver les réponses à toutes les questions : Je suis fort convaincu que vous êtes d’accord avec ceci. Que j’étais en train de creuser ma propre tombe, la pelle étant bel et bien mes propres questions. Que plus je poserais des questions plus d’autres resurgissaient. Qu’au bout d’un moment je serais sans remède. Comment pourrais-je garder bouche cousue alors que l’envie incessante et viscérale de vouloir savoir pourquoi, comment, combien, quand, qui bouillonnait en moi tel un volcan justement avant son éruption ?
J’ai toujours envie de savoir ; A qui Baudelaire a-t-il délégué l’arrosage de ses fleurs du mal ? Qui est le plus sage des voleurs entre Lupin et Scapin ?
La fréquence et l’imprévisibilité de la nature de mes questions est ce qui m’a rendu tout différent. Comprenez-vous maintenant ce que je cherche à dire? L’envie catastrophique de comprendre sans savoir qui vous faire comprendre car nul n’a aucune idée de ce que vous dites, et pourtant vous avez raison ?
Pouvez-vous m’expliquer pourquoi ma muse a choisi le sang noir ? Me prenez-vous pour un proscrit car je pose les questions différemment ?
Réponses ?